Bonjour à ceux qui me liront. Ca fait un peu plus d'un mois que je suis en service civique à Brousse, et on m'a demandé de tenir régulièrement un journal de mission, alors voilà, je me lance, ça commence maintenant.
Histoire de ne pas commencer cette histoire par le milieu, je vais d'abord présenter les personnages principaux et les lieux importants de la chronique, ça me semble important. Moi c'est Corentin Laviale, 21 ans. Actuellement j'habite en Aveyron, à une heure de route du village de la mission, mais je suis né en Nouvelle-Calédonie, une île française perdue dans le Pacifique Sud, quelque part entre l'Australie et la Nouvelle-Zélande, pour vous repérer. Je suis arrivé en France, en Aveyron évidemment (la France c'est l'Aveyron avec un peu terre autour) quand j'avais sept ans, avec mes parents et ma petite sœur. Dix ans plus tard, un bac scientifique option agronomie en poche, je reprenais l'avion, cette fois vers le Québec, où je fais mes études universitaires dans l'environnement. Je suis revenu en France à l'été 2020, pensant rester deux mois, pour les vacances, avant de retourner à Québec, mais la pandémie en a décidé autrement et c'est ainsi qu'après une année déprimante de cours à distance, avec le décalage horaire en plus, j'ai fini par m'engager dans un service civique, histoire de ne pas rester les mains dans les poches. Voilà en gros pour mon parcours. J'aurais pu préciser que je fais de la boxe française, que je suis écrivain de médiéval-fantasy et poète à mes heures perdues et que mon plat préféré c'est les patates sautées, j'aurais pu vous décrire mes quelques qualités et mes nombreux défauts, mais j'ai la flemme, et ce paragraphe est déjà beaucoup trop long. Ca viendra peut-être plus tard, s'il faut écrire une chronique par mois j'aurai sûrement l'occasion d'y revenir.
Dans un vrai livre il faudrait aussi que je vous présente ma collègue et colocataire, la merveilleuse Célia, qui a fait neuf longues heures de route depuis le nord pour venir jusqu'ici, et notre référent, collègue, ami et protecteur Théorème, régisseur du château de Brousse (le titre a la classe). Cependant comme ils vont aussi devoir écrire leur présentation, que vous allez pouvoir lire sur ce site, je ne vais pas trop m'attarder. Pour faire court, ils sont géniaux, sages et patients, et moi je suis celui qui grimpe partout, propose des projets improbables et les traîne dans des situations impossibles (le jour où Célia a escaladé une crête rocheuse trois cent mètres au dessus du Tarn, c'était ma faute). Je ne sais pas comment ils font pour me supporter. Voilà, ceci complète l'incipit, passons aux choses sérieuses.
Notre histoire se passe dans un petit village du nom de Brousse le Château, perdu au fin fond de la campagne Sud-Aveyronnaise. Imaginez une poignée de vielles maisons, aux épais murs de pierre ocres et aux toits de lauzes grises, alignées de chaque côté de l'Alrance, un petit cours d'eau aux eaux transparentes. Au fond de la vallée le Tarn déroule ses flots aux nuances de vert et de bleu, agitées de petites vagues, dans un bruissement apaisant, tandis que plus haut les collines rocheuses, aux pentes escarpées, couvertes de buis, de genêts et de bruyères le surplombent. Au murmure de la rivière vient s'ajouter le chant de dizaines d'oiseaux, que vous pourrez croiser dans les rues, hirondelles, bergeronnettes, rouges-queues, mésanges et autres passereaux partagent l'espace avec les canards à col vert, les hérons et les cygnes, alors que plus haut dans le ciel bleu planent les rapaces, milan noir, buse et faucon pèlerin. Puisque vous levez les yeux un dernier élément manque au paysage : perché sur son éperon de gneiss et de schiste, le château domine le village de toute la hauteur de tours, témoin rocheux d'un millénaire d'occupation humaine.
Dans ce cadre idéal, crapahutant sur les pavés usés des ruelles abruptes, œuvrent les trois personnages que je vous ai présentés précédemment : Célia, Théorème et moi-même. Dès le matin, ils se réunissent dans leur bureau perché à flanc de colline, niché sous les murailles du château et là ils discutent, ils travaillent, ils préparent. Certains prétendent que de leurs mains agiles et de leurs cerveaux aiguisés sont déjà nés de grandes affiches pour les évènements prochains, ou bien des chasses au trésor, des réaménagements du château ou d'autres projets encore. L'après-midi, on les voit parfois transporter de lourdes charges à l'intérieur des remparts, ou bien tirer à l'arc dans la cour du château. Depuis que le site est ouvert, certains prétendent même qu'un chevalier en cotte de maille accueille les visiteurs. Et enfin certains soir, alors que les chauve-souris volettent au dessus de leurs têtes, on les a vu se réunir sur une terrasse, lançant des dés ou manipulant des cartes. Ce qu'ils font exactement ? Je vous le raconterai. Mais dans un autre chapitre. Bonne lecture, et bonsoir.
Corentin Laviale